Au même titre que l’inflation, la hausse des prix de l’énergie s’est particulièrement intensifiée ces derniers mois et impacte de plus en plus le budget des ménages. Cette situation risque malheureusement de perdurer puisque la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) prévoit une augmentation des tarifs de l’électricité au moins jusqu’en 2024. Les particuliers et les professionnels semblent donc destinés à s’habituer à cet état de fait dans les années à venir. Quels sont les facteurs explicatifs de cette hausse sans précédent. Quel impact sur les consommateurs ? Quelle évolution des tarifs de l’électricité à horizon 2024 et au-delà ? On fait le point.
Quels facteurs influencent le prix de l’électricité ?
Le tarif de l’électricité varie en fonction du fournisseur. Il est composé de trois éléments :
- Les coûts de fourniture d’électricité à proprement parler : ils correspondent aux dépenses d’approvisionnement du fournisseur pour l’achat de l’électricité (prix d’achat), aux frais de vente, aux coûts du service client ainsi qu’à la marge bénéficiaire du fournisseur. Il s’agit de la seule partie variable du prix global sur laquelle les meilleurs fournisseurs d’énergie ont une marge de manœuvre ;
- Les coûts d’acheminement : ils correspondent aux frais de transport pour acheminer l’électricité jusqu’au consommateur final à travers le réseau électrique. Ce tarif est le même pour tous les fournisseurs. Le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité) est déterminé à la fois par RTE (le gestionnaire du réseau de distribution) et par ENEDIS (le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité) ;
- Les taxes : elles incluent la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA) qui finance l’assurance vieillesse des personnels de l’industrie gazière et électrique, l’accise sur l’électricité servant au financement de missions de service public, la Taxe sur la Consommation Finale d’Électricité (TCFE) fixée localement pour l’entretien des infrastructures et enfin la Taxe sur la Valeur ajoutée (TVA). Ces taxes représentent 40 % du prix final de l’électricité.
Pourquoi une augmentation des prix de l’électricité ?
La hausse continue des prix de l’électricité ces derniers mois est le résultat d’une conjoncture multifactorielle trouvant son origine dans divers éléments.
L’augmentation du TURPE
Après une augmentation régulière de plus de 4 % par an depuis 2020, les tarifs de l’électricité devraient encore augmenter au moins jusqu’en 2024 du fait de l’augmentation prévue du TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) ces prochaines années.
Enedis et RTE, qui doivent réaliser des investissements considérables pour accélérer la transition écologique en France et développer la production d’énergie renouvelable, tablent ainsi sur une hausse du TURPE pour couvrir leurs activités. Une augmentation de ce tarif représentant environ 30% du prix final de l’électricité. Cette augmentation, déjà visible depuis mi 2020, est en partie responsable de la hausse que nous connaissons ces derniers mois.
Des investissements massifs sur les réseaux
Enedis et RTE, responsables des infrastructures électriques et ferroviaires ont en outre annoncé des plans d’investissements conséquents pour les 15 prochaines années afin de moderniser leurs réseaux. Enedis a notamment prévu un plan d’investissement de 69 milliards d’euros, alors que RTE devrait investir entre 33 et 35 milliards d’euros. Ces dépenses colossales ont et auront donc un impact direct sur les tarifs de l’électricité.
Les conséquences du contexte économique et géopolitique
L’année 2021 a été marquée par une hausse conséquente des prix de gros du gaz. Cela s’explique principalement par la reprise mondiale de l’économie qui a suivi la crise sanitaire. La demande en énergie a augmenté alors que les stocks étaient très faibles, notamment en raison d’un hiver froid et prolongé en Europe et en Asie, ce qui a entraîné une hausse des prix. L’Europe est par ailleurs entrée en compétition avec l’Asie pour l’achat de gaz naturel liquide (GNL). Le conflit en Ukraine, les sanctions associées et la mise hors service des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont aggravé la situation, portant le prix des énergies fossiles à un niveau historiquement haut.
Un parc nucléaire au ralenti
En raison des contraintes imposées par la pandémie du Covid-19, les plans de maintenance des centrales nucléaires en France ont été perturbés, entraînant une baisse de la disponibilité du parc nucléaire en 2021 et 2022. La fin de l’année 2022 s’est également avérée problématique suite à la découverte d’un phénomène de corrosion sur certains tuyaux et ce qui a conduit à plusieurs arrêts supplémentaires.
Dans un marché européen où les transactions ont lieu au jour le jour, le prix dépend du type d’énergie utilisée pour produire l’électricité suffisante pour satisfaire la demande. Lorsque la production renouvelable et nucléaire ne suffit pas comme cela a été le cas suite à la reprise de l’activité post-Covid, on recourt alors aux centrales à gaz ou à charbon qui sont beaucoup plus coûteuses que le nucléaire et encore plus que l’énergie solaire, éolienne ou hydraulique, ce qui fait mécaniquement grimper le prix de l’électricité. Le plafond de l’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) permettant aux fournisseurs alternatifs d’acheter de l’électricité à EDF s’est ainsi retrouvé dépassé du fait de la forte demande et a dû être rehaussé en conséquence.
Quel impact concret pour les consommateurs ?
Le 1er février 2023, du fait de tous les éléments énumérés précédemment, les prix de l’électricité ont subi une nouvelle hausse substantielle qui a été plafonnée à +15 % par les pouvoirs publics alors qu’elle aurait dû théoriquement s’approcher des 100 %.
Cette augmentation a donc eu un effet direct sur les consommateurs français qui ont vu leur facture d’électricité augmenter d’environ 20 € par mois. La mise en place du bouclier tarifaire a cependant permis de contenir cette hausse majeure qui aurait dû atteindre 180 € par mois. Elle a ainsi permis une économie mensuelle de 160 €.
Bon à savoir : Cette hausse des tarifs concerne la grande majorité des consommateurs qui ont souscrit au tarif bleu d’EDF ainsi que ceux ayant opté pour un contrat à tarif indexé. Les clients disposant d’une offre à prix fixe ne subiront eux pas ces changements tant que leur contrat n’aura pas pris fin.
Des perspectives peu encourageantes pour le futur
Les prix de l’électricité devraient encore être revus à la hausse dans les années à venir, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, les coûts d’entretien et d’amélioration de la filière nucléaire en France s’avèrent plus élevés que prévu et devraient même s’accroître avec le projet annoncé par le gouvernement de construction de nouvelles centrales de dernière génération.
Par ailleurs, le déploiement des énergies renouvelables (et notamment la généralisation de l’utilisation de la voiture électrique) ainsi que la fiscalité pénalisante sur les énergies fossiles qui l’accompagne auront un impact significatif sur les coûts d’utilisation.
La réorganisation du marché de l’électricité par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), la perspective de la fin des tarifs réglementés ainsi que l’augmentation du taux d’imposition appliqué par la Taxe locale sur la consommation finale d’électricité vont enfin également inéluctablement impacter les tarifs de fourniture d’électricité. Une rénovation de l’isolation thermique de son logement va ainsi devenir indispensable pour réaliser des économies ces prochaines années.
Comment vont évoluer les prix de l’électricité dans les années à venir ?
Depuis le début des années 2000, le prix de l’électricité a connu une forte augmentation même si la France fait toujours partie des pays où l’électricité reste relativement abordable. Cependant, les prévisions suggèrent que la tendance à la hausse va se poursuivre et s’accroître. Des études réalisées par divers acteurs du monde de l’énergie concordent toutes sur le fait que dans les années à venir, les prix du kWh augmenteront substantiellement. La Commission d’enquête du Sénat estime que la facture des ménages français pourrait doubler dans un futur très proche et venir ainsi s’aligner sur les tarifs des principaux pays européens. L’Union Française de l’Électricité (UFE) prévoit quant à elle une hausse à hauteur de 50 % à horizon 2030.
Année | Prix du kWh | Évolution |
---|---|---|
2015 | 0,15 € | – |
2020 | 0,18 € | +20 % |
2025 (prévision) | 0,23 € | +18 % |
2030 (prévision) | 0,29 € | +30 % |
2035 (prévision) | 0,37 € | +30 % |
2040 (prévision) | 0,47 € | +28 % |